La cour est le seul endroit extérieur de Giercliff visible pour les personnes passant devant l'établissement. Les briques rouges sang qui pavent le sol menant à la porte d'entrée de bois et de métal, sous le soleil parfois ardent qui vient souligner la forme de l'architecture, brillent lorsque les reflets de ce dernier se posent sur elles, et claquent lorsque des talons généralement féminins viennent taper dessus lorsque les pas sont trop pressants, ou trop assurés. La cour est encadrée par de grandes rangées de cyprès, un saule pleureur se dessinant au loin, deviné dans les jardins qui se situent derrière l'établissement, et ne laisse pas de place réelle aux voitures : comme pour montrer qu'elles ne sont là que pour un temps, que contrairement aux personnes entrant à Giercliff pour se faire soigner ou pour y travailler, elles n'ont pas leur place ici. Qu'elles ne sont pas faites pour rester sur les lieux de l'hôpital.

Contrairement à la cour, les allées qui se tracent, presque sinueuses, à l'arrière de Giercliff - et donc vers les jardins - sont faites de pavés gris, comme délavés, trop lavés par les pluies qui s'abattent parfois, régulièrement même, sur l'institut. Entourées de grandes haies que les jardiniers tentent de maîtriser tant bien que mal, malgré le côté rebelle que semblent avoir les plantes ici, elles partent de la porte moyenne au bout du hall, presque cachée, pour s'immiscer, pour s'aventurer vers les jardins où les patients sont autorisés à se promener si un membre du personnel les accompagne. A travers les rainures des pierres servant de pavés, de fines lignées d'herbes se devinent, petit à petit, étouffant le bruit des pas que l'on pouvait sûrement entendre lorsqu'elles furent posées.

On s'imagine souvent un bel endroit, fait de bois, de pierre, et d'une toiture plus solide, lorsque l'on évoque un kiosque. Étrangement, c'est ce à quoi ressemble celui de Giercliff également. Comme si une personne l'avait posé ici par mégarde, alors qu'il n'y a aucunement sa place. Comme un contraste entre les choses horribles qui peuvent se passer à l'institut ou celles qui ont amenés certains de ses occupants ici, et la beauté de cette petite construction. Mais cela, c'est l'aspect, la sensation que l'on a lorsqu'on le regarde de loin. Car rapprochez vous. Encore un peu. Vous vous apercevrez bien vite que le calme et la sérénité qui se dégagent du kiosque ne sont peut-être qu'illusoires. Sur ses morceaux de bois qui tiennent la rembarre, elle même faite de bois peint en un blanc vieilli et clairsemé qui laisse par endroit voir le bois originel, des tags sont dessinés, gravés, sans que jamais personne ne les ai enlevés. Des tags parfois faits par les anciens patients, d'autres par les occupants actuels. Des tags qui, au fond, racontent tous une histoire. Leur histoire.

Dans un des coins du parc, discret, un peu mis à l'écart, se dessine le saule pleureur visible depuis la cour. Et quelques mètres à la ronde, autour de lui, plus rien. Seulement un peu d'herbe. Le parc de Giercliff n'est pas très grand, c'est tout ce que l'on sait. On ne connait pas réellement ses limites, et à vrai dire, peu nombreux sont ceux voulant les chercher puisqu'elles peuvent s'étendre jusqu'à la forêt qui, même de jour, n'est guère rassurante. Mais ses limites sont pourtant bien là, quelque part, entre deux arbres ou deux buissons. Car ce parc est parsemé, à de nombreux endroits, de petits buissons remplis d'épines qui griffent, coupent, blessent les peaux de ceux qui s'y aventurent. Le parc est un parc comme les autres, c'est ce que l'on pourrait croire. Et pourtant, même en plein jour, il y a un côté lugubre, presque morbide qui plane dessus, et qui donne parfois l'impression qu'il n'est pas forcément bon d'y traîner.