rapport médical a écrit:

Orane Ahlstörm a été admise après avoir été trouvée marchant debout sur la rambarde d’un pont. Les pompiers ont été avertis par l’amie qui l’accompagnait et pensant qu’elle cherchait à se suicider, l’ont amenée à Giercliff.

La patiente est une jeune fille absente. Si elle a d’abord eu un comportement récalcitrant qui laissait présager une certaine violence – elle s’est débattue, a crié, a pleuré, a essayé de s’enfuir – lorsqu’elle a été amenée ici, elle n’a que peu réagi par la suite. Elle s’est renfermée sur elle-même dans une passivité inquiétante. Elle a cessé de parler, de bouger, et reste assise sur son lit, les yeux fixés sur la fenêtre. Que voit-elle ? Après une observation plus poussée, il ne semble rien avoir à l’extérieur qui soit susceptible d’éveiller autant son intérêt et on peut se demander si elle ne pense pas à fuir. Après un entretien plus poussé avec la famille de la patiente, il semblerait qu’elle est persuadée qu’elle ne vit pas dans la réalité. Déjà petite, elle jouait seule et inventait des histoires à propos d’un autre monde uniquement présent dans son imaginaire. Ses parents ont déclaré avoir compris à son comportement qu’elle croyait réellement à cet autre monde, qui serait une sorte d’autre réalité pour elle, alors que la vie ne serait qu’un rêve. Elle a vu un psychologue pendant quelques mois pour lui faire admettre la vérité. Le psychologue l’a jugée guérie, et il n’y eut plus d’incidents pendant quelques années. On peut se demander si elle avait réellement guéri, son admission à Giercliff serait donc due à une rechute, ou si elle répétait simplement ce que le psychologue voulait entendre, ce qui laisserait percevoir un côté plus manipulateur et lucide de la patiente. Il est intéressant de noter que par la suite, sa famille ne l’a pas prise en charge et s’est détachée d’elle. Ses parents ont affirmé ne plus avoir de contacts avec elle depuis qu’elle est partie de la maison à ses dix-huit ans. Elle restait étrange et inquiétait à ses deux petites sœurs, ce qui a donc conduit à son départ. Ils n’ont pas cherché à la revoir et ne souhaitent pas lui rendre visite à l’hôpital.

A son entrée à l’hôpital, Alise Lee, amie de la patiente qui l’accompagnait lors de l’incident, a déclaré les paroles retranscrites ci-contre : « On ne voit pas qu’elle est folle, au début. On se dit juste qu’elle est un peu bizarre, mais d’un bon bizarre. On se dit qu’elle est originale, comme fille et ça fait du bien un peu de fantaisie. Elle fait toujours n’importe quoi, elle dit n’importe quoi, et ne fait attention à rien, mais on croit que c’est pour amuser la galerie, que c’est parce qu’elle est un peu inconsciente, pas qu’elle... enfin, vous voyez. Elle peut raconter que le nuage la poursuit pour arroser les fleurs qu’il y a sur sa robe, ou que l’oiseau en papier qu’elle vient de plier va grandir pendant la nuit et qu’elle va s’envoler dessus au petit matin. On ne peut pas imaginer qu’elle y croit vraiment… Mais elle traverse au milieu des voitures sans regarder en disant qu’elle est invincible, elle mange des fruits dans les supermarchés en disant que de toute façon elle est invisible, elle grimpe partout, au dessus du vide, à des hauteurs inimaginables et elle manque de tomber mais elle s’en fiche. Elle pourrait mourir, mais elle, elle veut juste aller chercher la poussière de fée qu’un oiseau a déposée en haut de l’arbre pour elle. C’est là qu’on se dit qu’elle a quand même un vrai problème… »
A première vue, son comportement apparait comme suicidaire mais il faut finalement admettre qu’elle n’a simplement aucune conscience du danger et ne comprend donc pas qu’elle risque d’être blessée, puisqu’elle voit la réalité différemment. Il est également rapidement apparu qu’elle était sujette à des hallucinations qui ne font que la conforter dans son idée d’autre monde et qui l’empêchent de faire correctement la différence entre réalité et imaginaire. Sa reconnaissance altérée de la réalité est étrange : elle ne reconnait la réalité comme réelle que lorsqu’elle a des hallucinations ou de fausses idées – son invisibilité, par exemple. Il apparaît donc qu’elle ne pense être dans un monde réel que lorsqu’il y a des éléments irréels qui viennent la persuader qu’elle se trouve dans son monde imaginaire. En opposition, lorsqu’elle perçoit la réalité de manière totalement claire, elle pense se trouver dans un rêve.

Alise Lee a également affirmé : « Il faut que je vous dise… Il y a autre chose d’étrange chez elle. Une fois, on se promenait et on a croisé son ancien copain. Je le connaissais pas, je connaissais pas l’histoire alors je ne sais pas pourquoi ils ont rompu mais elle est passée à côté, et on aurait dit qu’elle ne le connaissait pas. Quand je lui ai demandé si ça allait, elle m’a demandé pourquoi. Je lui ai parlé de son ex et elle a secoué la tête en disant qu’elle n’était jamais sortie avec lui et qu’elle ne l’avait jamais vu. Je me suis dit que je m’étais peut-être trompée, mais ça m’a rappelé un autre moment bizarre. Un jour, à une soirée, une fille lui a fait une scène et lui a balancé son verre sur sa robe, c’était affreux, elle était en larmes. Quand je lui ai proposé de mettre sa robe à la machine, quelques heures après, elle a ri et a dit qu’elle était vraiment maladroite, qu’elle finissait toujours par se renverser quelque chose dessus. J’ai voulu lui reparler de la fille mais elle semblait l’avoir complètement oubliée. J’ai cru qu’elle faisait semblant pour ne pas en parler mais c’est comme si elle avait gommé ce moment pour le remplacer par un autre. »
Il apparait donc que la patiente parvient à modifier ses souvenirs, plus ou moins inconsciemment. En prenant en compte les conséquences d’une action, dont elle ne peut passer outre puisqu’elles sont devant elle, elle en change les causes.

La patiente, lorsqu’elle n’est pas passive, présente les signes d’une grave anxiété. Elle a le regard fuyant, les yeux écarquillés et est toujours sur la défensive. Elle semble encline à des crises de larmes et d’angoisse dont la raison nous est inconnue. Ayant déjà fait preuve d’un comportement à risques, il est donc préférable de la surveiller.

je me demande ce qu'Orane va imaginer à Giercliff, et j'ai bien envie qu'Esfir prenne part à ses délires.

merci pour les compliments, et j'attend un message de toi.