Il déambulait dans les rues, de retour du Tennessee. Là-bas, il avait tenté d'oublier, de trouver la force et pardonner. En vain, ce n'était que poison qui coulait à présent dans ses veines. Theon était incapable d'expliquer ce changement brutal de comportement. Il était revenu, différent, en quête de vengeance et au lieu de s'en prendre directement à celle qu'il avait longtemps chérit et qui avait causé sa peine, il décida d’abattre sa colère et de relâcher ses nerfs sur le corps d'un enfant. Il était parti dans l'idée de l'étouffer mais une fois introduit dans la maison et postait près de son lit, dans l'obscurité de cette chambre, Theon voulait davantage de cruauté. Il était revenu de la cuisine, en ses mains un couteau bien pointu.
L'explosion le sauvait de l'implosion dévorante.
De ses yeux, Theon fixait sa victime innocente et ses lèvres s'étiraient en un sourire terrifiant. La victoire à portée de mains, il retenait son souffle. Theon était dangereusement effrayant. Il lacérait, tranchait par lame, l'âme de ce défunt oisillon. Le sang éclaboussait son visage et ce rouge marquait ses doigts de ce si horrible crime. Sa respiration, il ne pouvait plus la contrôler. Il se nourrissait de cette lueur de vie qui s'éteignait. L'enfant était vaincu. A voix basse, Theon se penchait sur le corps souillé de la progéniture pour murmurer quelques mots :
- Dors l'enfant. Le couteau s'écroula par terre, non pas sans faire de bruit. Theon sortait de la chambre, empruntait le couloir avant que la mère apparait. Theon partait et cela, sans se retourner. L'inquiétude tirant ses traits, la mère se hâtait. Comme un pressentiment.
C'est avec jouissance que Theon percevait le cri interminable, la plainte déchirante d'une mère qui venait tout juste de cueillir l'enfant au teint morbide.

*
* *

La veille au soir, dans le noir d'un étroit dortoir, une plainte déchirante avait lézardé les murs. Les gardes de nuit avait ouvert précipitamment la cellule 24. Theon, insomniaque avait eu tout le loisir de regarder pour se rendre compte que Lara avait cédé. Elle avait mit a exécution son fantasme mais ne l'avait pas rendu absolu pour autant. Raté. On la tira non sans grande difficulté puisque sonnée par son acte de scarification. Ses poignets coulaient le sang, tâchaient sa robe de nuit blanche. Ses pieds nus trainaient derrière elle, conduite jusqu'à l'infirmerie.

Au petit matin, la porte qui donnait sur la chambre de Theon s'ouvrait. Il découvrait deux policiers et un médecin.
Theon soupçonnait Lara d'avoir dénoncé la pression qu'il lui infligeait. On lui agrippa fermement les épaules et on le conduisait jusqu'au bureau du psychologue. Il ne disait mots. Face aux questions sans réponse, le docteur et son collègue n'avaient droit qu'au silence. Jusqu'à ce que Theon rit à l'annonce d'un séjour en salle d'isolement.
Il était sorti quarante-huit heures après et sans avoir à le demander, il savait que Lara avait été transféré. Avant de rejoindre les cuisine où il était de corvée, il s'attardait dans l'eau tiède de son bain.
- Grouille toi Theon, t'es attendu ! Il ne disait rien et s'enroula d'une serviette en sortant de la baignoire.

La matinée se passa sans encombre et le reste de la journée non plus, jusqu'au soir. Theon traînait dans les couloirs. Il était sorti de sa chambre, lui seul savait comment. Il n'expliquera ni la façon, ni la raison. Ce soir, Theon avait simplement envie de mettre le nez dehors et coûte que coûte, il se conduirait jusqu'à la cour où il aura le plaisir entier de contempler cette lune à laquelle il rêve souvent quand il arrive à dormir un peu. Avec miracle, il arrive jusqu'au hall d'entrée mais sans se douter d'avoir été repéré.
Theon est sur le point de franchir la porte donnant sur l'extérieur qu'une voix s’élève derrière lui.
- Où vas tu Theon ?
Il se retourne.
- Je veux aller dehors. répond t-il calmement.
- Comment es-tu sorti de ta chambre ?
- Je veux aller dehors. répète t-il plus sèchement.
- Je t'ai posé des questions.
Theon fixe le surveillant en silence.
- Je vais te raccompagner.
Il s'approche, l'inconscient. Theon le laisse faire et quand il est le point de toucher son épaule, il envoi en plein dans sa mâchoire, un violent coup. Le surveillant s'écroule, à la merci de Theon.
- Non.
Le patient ne se gêne pas pour violenter son corps replié et sans retenue il abat sur ses côtes, des coups de pieds et dans sa tête, des coups de poings.
A pas de course, trois agents débarquent. L'un d'eux plaque Theon par terre, joue chaude contre carrelage gelé. Theon insulte, peste et crache à la gueule d'un agent avant de sourire et de rire.

*
* *

Une semaine plus tard...

- Tu as de la visite Theon !
On l'accompagne, jusqu'à la salle qu'on dit de visite. Celle où il n'est jamais entré, puisque personne d'ordinaire ne vient le voir. Il se demande qui ça peut être. Il marche sans conviction bien que curieux. Et alors dans ses yeux, une lueur jusque là inconnue, brille. Sa mère lui sourit tristement, assise à une table sur laquelle un bouquet semble plus artificiel que tout. Si la clarté de cette pièce est flagrante, presque trop éblouissante, c'est surtout ce sentiment de peine qui habite sa douce mère qui interpelle et maltraite Theon.
Sauf que, ce n'est qu'un rêve. Le verrou de sa chambre brise le silence et les paupières de Theon s'ouvrent sur un nouveau jour. Interminable sentence pourtant donnée comme un cadeau à la place d'une condamnation à mort.
Moisir ici, grâce à son amour de mère.