Doit-on faire mention de l'eau de Cologne qui flotte dans l'air après chacun de ses passages, parfum dont il s'enrobe quotidiennement la gorge? De son haleine mentholée qui, discrètement, cache les arômes d'un vin trop arrosé la veille au soir? De la fine balafre qui sinue sur le haut de sa fossette, presque imperceptible mais néanmoins visible pour les fins observateurs? Ou de ses yeux vairons, curiosité frémissante... Surtout en ces lieux damnés où prier est la plus douce des échappatoires.
GIERCLIFF
par Gwayne Ombrage
1er Novembre 2011
- Monsieur Ombrage je présume?
Petit individu courbé, la mine ridée et flageolante mais néanmoins sympathique, avec des cheveux frisés qui respiraient la négligence à plein nez, l'homme qui se tenait devant moi n'était pas sans me rappeler ces historiens au teint cireux et au regard oblique, tapis dans un sombre recoin de leur bibliothèque. Emmailloté dans un smoking parfaitement lisse, il donnait l'apparence d'un homme calé dans son métier, mais psychologiquement atteint d'un trouble de sociabilité. Ah moins que ça ne soit l'environnement platonique et glauque m'entourant qui m'incitait à de telles pensées? L'odeur suintante de la folie transpirait entre chaque pore atmosphérique de cet établissement. J'en suffoquerai presque si cette tension oppressante et impalpable ne m'était pas habituelle. Je m'inclinai d'un hochement de la tête, encore perplexe quant à ma récente mutation. Talonnant d'un pas souple et silencieux le présumé sous directeur des lieux, je sentais que ma nuque me démangeait. Elle irradiait sous les regards qui, tapis dans d'autres couloirs ou derrière les carreaux des fenêtres, me dévisageaient d'un œil curieux. Je déglutis. Cette mutation n'était assurément pas la meilleure alternative qu'on avait pu me trouver, mais je n'avais pas le choix. Pas cette fois-ci. Pas pour ce que j'avais commis. Pour ce que j'avais fait, cette option était la plus douce des échappatoires. Du moins l'espérais-je...
3 février 2013
- C'était le dernier docteur, vous pouvez soufflez un peu... J’acquiesçai, l'infirmière quitta la salle d’auscultation, me laissant seul avec mes outils et cette éternelle odeur d'antiseptique. Campé sur le tabouret à roulettes près de la chaise vide du patient, je sentais le poids de la fatigue m'écraser les épaules. La fatigue, mais aussi une envie d'exploser. Comme lobotomisé, je me relevai d'un bond pour rejoindre l'immaculé évier en jetant au passage les gants en latex dans la poubelle métallique adossé aux pieds du bureau. D'un geste frénétique, j'inondais mes mains sous un jet de savon moussant et d'eau miroitante. Frénétiquement, violemment, nerveusement. Au final, ma tête trépassa aussi sous le flot d'eau qui s'écoulait du tuyau métallisé. J'en ressortis réveillé. Le visage certes trempé, mais un coup de serviette corrigea ce détail. TOC TOC. Merde. Moi qui me pensais tranquille pour un moment... Lâchant un soupir dans l'espoir d'évacuer la tension quotidienne, j'invitai la personne à entrer tout en rejoignant mon bureau. Sérieux, quelle personne censé travaillerait dans cet endroit? Travailler au milieu des fous...qu'on ne s'étonne pas si la folie affecte aussi les employés. Mais je ne pouvais pas me plaindre. Car ces gens ont besoin de moi. A moins que ça ne soit moi qui ait besoin d'eux? Un besoin irrépressible de se prouver quelque chose. ...mais quoi? Plus que jamais, ils me font sentir que je suis vivant. Que la mort n'est jamais loin, mais que la vie est aussi là, ancrée profondément dans les parois de mon cœur battant.
SHI
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21 ANS
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MADS MIKKELSEN
Il n'y a point de pire maux que celui de devoir enterrer son enfant...
Dernière édition par Gwayne Ombrage le Dim 19 Mai - 19:50, édité 24 fois
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Sam 18 Mai - 19:22
All mad here
Le vin, c’est la vie. Nectar des dieux, pêché du joyeux mortel. Son goût âpre qui vous inonde le palais, sa robe ambroisie qui vous léchouille la peau, comment résister ? Je ne puis que m’abandonner à ce vice qui fait de moi un infortuné buveur de vin. Les étagères croulant sous les bouteilles foncées en témoignent. Une gorgée. Puis une autre. Et une énième, jusqu’à ce que mon esprit, lubrique, ne soit plus source de tensions et d’inquiétudes mais bien d’engourdissement plaisant. Mais parfois, ce petit plaisir nocturne a ses inconvénients.
TOC TOC!
Comme je le disais. « Merde… »grognais-je à voix basse, campé dans le fond de mon fauteuil en cuir pourpre. Que faire ? Inviter l’inconnu à entrer ou faire la sourde oreille ? Dilemme. « Docteur Ombrage, vous êtes là ? Un patient vient d’être emmené au bloc opératoire, c’est urgent ! » Timbre familier. Celui d’un infirmier affecté au post de nuit. En réalisant l’étendue de ses paroles, je grimace. Ces connards ne pouvaient pas attendre le jour avant de se fourrer dans le crâne une idée suicidaire ? Fallait-il toujours qu’ils gâchent ces quelques instants de repos ? Ce n’est pas possible, ils le faisaient exprès ! *T’es dans un asile mon vieux, ici, faut pas espérer une routine platonique* Pas faux. Résigné, je m’extirpe de mon fauteuil, titubant. Roh, pas cool ça. « J’arrive »hélai-je d’une voix rauque et grisonnante. Bon, niveau crédibilité, j’étais grillé là. Et pourtant, je pouvais entendre l’infirmier acquiescer de l’autre côté de la porte, puis le rythme frénétique de ses pas s’éloigner. Il était repartit au bloc et moi. Moi…je n’avais plus qu’à m’y rendre aussi. Dans un sale état. Fermant à double tour mon appartement avec, il faut l’avouer, un peu de difficulté. « P’tain de clé à l’con ! » Après un effort incommensurable, je parvins à insérer la clé dans la serrure et à effectuer un double tour. Enfin ! Bon, direction le bloc !
Un, deux, trois, claquement de mes talons contre le carrelage, douce mélodie dans ce boyau sombrement infini. Le second étage était étonnement calme. Pas d’hurlements ni de rires hystériques. Rien. Le néant du silence. Bon ou mauvais présage ? Qui sait…
M’éclipsant du second étage telle une ombre furtive, dévalant les escaliers deux à deux en manquant de me bouffer la mâchoire sur une marche à cause de mon indéniable ébriété, je m’élançai dans le couloir où se trouvait l’infirmerie. Enfin, c’est ce que j’avais programmé. Alors pourquoi étais-je allongé par terre ? Wesh, what the fuck ? Putain, j’ai mal au crâne ! « médméd…t’las tuée, j’t’ai vu sale ‘flure ! je..les coquelicots ! Fleurs ! s’lecon ! » Plaît-il ? Attends, quoi ? Rembobinons ! Un patient qui, de toute évidence et par diable sait quel moyen, avait réussi à se barrer de sa chambre pour errer dans les couloirs et finalement se jeter sur moi. Ok, voilà pourquoi j’étais plaqué au sol. Segundo, comment j’allais me sortir de ce merdier ? Parce que le cinglé au-dessus de moi était un gros baraqué et malgré mes connaissances sur l’histoire de David contre Goliath, j’étais suffisamment réaliste pour comprendre que j’étais dans une merde pas croyable. Attends, il m’étrangle le con !? « arg’h ! » Pas moyen d’appeler à l’aide, deux énormes mains étreignent ma gorge avec vigueur. Et merde, je n’ai pas envie de crever ! Pas aujourd’hui ! Pas ainsi ! J’essaye de lui en coller une entre les boules, mais de toute évidence, ce mec à l’incroyable chance d’être immunisé à cet endroit là. P’tain, c’est là qu’on envie Bruce Lee et tous ces tarés du combat ! « Hey toi, arrête ! Mike, rapplique toi ! » Pas trop tôt! J'entends l'autre taureau hurler pendant que deux gardiens s'appliquent à l'écarter de moi. Libéré, je me roule accroupi sur le sol miroitant, pantelant, confus. Ma respiration déraille. En même temps, après un étranglement improviste, faut pas s'en étonner! Du bout de mes doigts tremblants, j'effleure à tâtons l'endroit où l'autre armoire à glace avait si fermement pressé ses doigts charnus. Une main se pose sur mon épaule, je sursaute. « Docteur, ça va aller? Vous voulez que j'appelle Carlos? Encore désolé pour cet incident... » Le temps de remettre de l'ordre dans mes idées et je réussis à répondre quelques mots cohérents pour qu'il prenne congé. Foutue soirée! Foutu lieu de taré!
Et pourtant, je ne pouvais quitter cet endroit. Le monde m'avait tourné le dos. Seul me restait les abysses où je pouvais m'y noyer de tout mon soule. Ces lieux m'ont offert l'hospitalité. Cette noirceur m'appelle inexorablement vers elle. Partir? Impossible.
C'est pourquoi je me relevais lentement, machinalement et, plutôt que de me prendre le chemin de la sortie, me rendis à l'infirmerie. Parce que quelqu'un avait besoin de moi. Parce que ces gens qui nécessitent mon aide me font ressentir cette utilité que je suis. Oui, je suis encore utile, même si ce ne sont plus dans les prestigieux hôpitaux de Londres mais bien ici, dans la demeure du diable.
L'infirmerie et ses occupants m'y attendent puisque aucun de mes collègues n'est, semble t'il, disponible pour l'heure. En pénétrant dans l'endroit transpirant l'antiseptique, je la vois alors. Elle, pauvre agnelle, maintenue par l'infirmier qui était venu me quérir quelques minutes plus tôt. Je déglutis lorsque son regard fauve et mordoré se pose sur moi. Dieu, qu'elle lui ressemble. Merry aurait elle aussi été d'une grande beauté. De ses cheveux jaune miel, de son teint ivoire et de ses yeux dorés, elle aurait été aussi belle que cette adolescente qui était allongée sur la table médicale. Avec cet air apeuré en moins. Mais Merry n'était plus. Cela allait faire quoi, presque deux ans aujourd'hui?
Dieu me pardonnera t'il de ne point avoir pu la sauver? Le monde lui, n'a pas pu. Moi non plus. C'est pourquoi je suis ici, C'est pourquoi je ne puis partir. Je ne peux affronter ni leur regard, ni leur silence. Je ne peux assumer mon erreur.
Dernière édition par Gwayne Ombrage le Dim 19 Mai - 19:01, édité 9 fois
BIENVENUE A GIERCLIFF
PRESENCE : DEUX ANS.
ÂGE : VINGT-ET-UN ANS.
TROUBLE(S) : DÉPRESSION, TENTATIVES DE SUICIDE RÉCURRENTES, AUTOMUTILATION.
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Sam 18 Mai - 19:43
bienvenue parmi nous, tout d'abord. j'aime tout particulièrement ce que tu as déjà écrit, la petite description à la fin de la première partie. j'ai hâte de voir ce que tu vas en faire. par contre, il n'y a pas de médecins en chef, ici, donc ce sera simplement médecin.
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Dim 19 Mai - 10:14
Merci (wé, vive les vieux devant l'invasion des jeunes personnages, j'ai eu quelques réticences - apprécie une mixité des âges & jouer des adultes - , mais le forum est tellement magnifique. J'attendais un forum de cette trempe depuis un bail )
Invité
I-D CARD
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Dim 19 Mai - 10:44
Pardon mais ça me démangeait... Bienvenue sur le forum ! J'aime j'aime j'aime & j'ai terriblement envie de lever le voile sur la suite de l'histoire.
Ton vava & ton pseudo orgasmiques ! Il nous faudra un lien
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Dim 19 Mai - 11:39
Ah! Un peu de testostérones dans la masse, ça fait du bien Scaar : mdr, merci beaucoup ton personnage n'est pas en reste non plus /prénom de fifou / (& je ne connais pas l'avatar, mais il est fun! la barbe cey la vie )
Merci Ewen
BIENVENUE A GIERCLIFF
PRESENCE : Des années. Surement plus de dix ans.
ÂGE : 40 ans
RÔLE : Il est à la tête de cet endroit depuis quelques temps
Sujet: Re: Ombrage ; danse macabre Dim 19 Mai - 19:33
alors pour moi : tout est parfait. j'ai beaucoup aimé te lire, son histoire est vraiment intéressante! il manque juste un tout petit détail, il faudrait que tu remplisses la partie "pseudo - âge - avatar" dans ton premier post, qui se trouve derrière l'image, et ça sera tout bon !